Le verger bio de la famille Lacroix

L’automne, saison sensuelle, nous régale de ses couleurs fauves et de ses fruits mythiques : vignes et pommes. Après une semaine d’intense cueillette, les agriculteurs ouvrent leurs portes pour nous accueillir les weekends, nous faire découvrir leur terre, leur travail, et leurs produits exquis. C’est dans le verger bio d’Alfred Lacroix et ses fils, à Cercier en Haute-Savoie, que je suis allée me promener il y a quelques jours…

 

Un verger bio, à quoi ça ressemble ?

La vallée de Cercier est tapissée de pommiers, et le verger de la famille Lacroix offre un panorama splendide sur les montagnes alentour. On chemine sur un sentier de terre, d’où l’on observe les haies vives : elles préservent une biodiversité (oiseaux, insectes…) précieuse pour l’équilibre de l’environnement.

 

Les pommiers et les poiriers s’alignent sur des hectares, protégés des intempéries par d’immenses filets. Les arbres diffèrent de l’image que je m’en étais faite : j’imaginais de larges branches déployées au sommet d’un tronc robuste et je découvre finalement un jardin « en espalier » où les arbres sont dits « palissés ». Evidemment ! cette taille représente un gain de place considérable, les fruits y sont plus accessibles et les arbres luttent mieux contre la prolifération des maladies… Tant pis pour l’image du verger de grand-père et la romantique échelle qui permet d’aller chercher les fruits les plus hauts !

 

 

 

Aux extrémités du verger sont placées des ruches : « Sans abeilles, pas de fruits ! ». Alfred et son fils racontent : « Avant il y avait toujours quelqu’un dans le coin qui avait des ruches, aujourd’hui on est obligé d’en avoir sur l’exploitation… ».

 

 

Les visiteurs s’interrogent sur l’herbe qui pousse à son gré : « On la tond et on la passe au broyeur, ça fait de l’engrais vert pour amender le sol ». Tout est valorisé.

 

Du bio… bio ?

Les arboriculteurs répondent aux questions sur les traitements administrés à leurs arbres : en bio aussi on traite les plantations, mais la liste des produits autorisés est très sélective. Il s’agit de substances minérales (souffre, cuivre…), végétales (résine de pin…) ou de micro-organismes. La compatibilité de ces substances avec les enjeux environnementaux tient à leur rémanence (= durée pendant laquelle un herbicide, ou tout autre produit de traitement épandu ou incorporé au sol, continue à exercer son action) : les produits de synthèse les plus polluants ont une rémanence trop longue et contaminent les nappes phréatiques qu’ils gagnent au fil de leur infiltration dans les sols ; a contrario, les produits utilisés en AB ont une rémanence très courte (7 jours pour les fongicides, 3 jours pour les pesticides…) et leur biodégradabilité préserve l’environnement… et le consommateur ! D’autant que leur utilisation est cadrée : il est interdit de traiter les arbres à l’approche de la récolte.

« Oui mais l’environnement est tellement pollué, on ne peut pas empêcher la pluie de tomber sur un verger bio ?! ». A la base, certaines obligations de moyens sont indispensables pour protéger les cultures : afin de préserver le verger bio des produits répandus sur le verger non bio du voisin, une obligation de distance est imposée. Ainsi, les 25 hectares de cultures bio de la famille Lacroix représentent 25% de leur exploitation. Tout autour, les terrains qu’ils ont acquis et qui les préservent de la proximité des cultures conventionnelles ne comportent pas le label AB.

En outre, des tests permettent d’évaluer la qualité sanitaire des fruits. En bio, les exploitations sont visitées a minima une fois l’an. Des prélèvements sont effectués et ce sont pas moins de 280 molécules qui sont recherchées. Si la moindre trace est recensée, les cultures sont déclassées et il est interdit de vendre sous le label AB.

 

« Des frigos pour conserver les pommes bio, c’est bien écolo ? »

Nous visitons les locaux où les pommes sont conservées après récoltes. Il s’agit d’immenses chambres où les fruits sont placés dans une atmosphère modifiée : l’oxygène est extrait, restent CO2 et azote. C’est une mesure insuffisante cependant pour ralentir leur évolution et éviter le pourrissement : une maîtrise de la température est indispensable, et c’est entre 0,5 et 1,5°C que les fruits seront conservés. Or générer du froid, ça consomme de l’énergie. C’est une affaire de compromis : des tonnes de pommes récoltées en même temps qui ne peuvent toutes se vendre au même moment et qui se perdent, ça fait augmenter le prix des fruits et ça fait qu’on reste de longs mois en attente du printemps sans avoir plus grand-chose à se mettre sous la dent… L’idéal : une énergie verte pour alimenter ces équipements gourmands…

 

Pommes bio : une agriculture de pointe au service du goût

L’image baba cool du paysan bio, c’est fini ! L’agriculture biologique, c’est une agriculture de pointe, où la science s’appuie sur les processus naturels pour fonctionner avec eux. Et rien n’est laissé au hasard pour obtenir la meilleure qualité de produit : chaque semaine à l’approche des récoltes, des tests sur la teneur en sucre, le taux d’acidité… sont effectués afin que chaque variété de pomme soit cueillie au moment où sa maturité est optimale. Sans quoi, le fruit deviendrait farineux et moins savoureux.

A Cercier, le verger Lacroix bénéficie d’un sol argilo-calcaire : la nature de ce sol associée à un savoir-faire pointu et à une rigueur dans la recherche de qualité confère aux fruits leur texture ferme et leur saveur fruitée.

A nous la poésie de les sublimer en succulentes charlottes ou tarte tatins caramélisées, de les savourer sous forme de jus de fruits intenses (aaaah ! le jus pomme-poire si doux, et le jus pomme-griottes si plein de punch !!), ou le plaisir enfantin de croquer à belles dents dans le rouge, dans le vert de ces pommes dont on a pris si grand soin pour nous…

 

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